Il faudrait en faire quelque chose de beau et de bon. Comme eux l’étaient. Quelque chose qui ressemblerait à un sursaut de démocratie, de liberté, de solidarité… mais pas pour de faux.
Il faudrait, une fois la tristesse, la peur et la colère passées et remisées à leur place (là, au fond du ventre, tout au fond), garder la conscience de ce qu’ils ont tenté de tuer. Et du « pourquoi » ils ont voulu le faire…
Il faudrait, prendre la mesure de notre chance à tous de vivre dans une démocratie où, jusqu’à maintenant et encore pour longtemps j’espère, notre parole est libre. Il faudrait la saisir à plein corps, cette démocratie, comme on aurait voulu saisir à plein corps, pour leur insuffler la vie, ceux qui se vidaient de leur sang, hier, dans cette ignominie.
Il faudrait, alors que l’on a tant de moyens d’expressionS (de libertéS d’expressionS) dire ce qu’elle est pour nous cette démocratie. Raconter comment elle s’est bâtie dans le sang, dans la douleur et dans le sacrifice d’hommes et de femmes qui l’ont rêvé pour nous et ont osé l’espérer. La raconter pour combattre l’ignorance, la bêtise et la méconnaissance qui mènent à la haine de l’autre. De tous les autres…
Il faudrait s’investir, comme eux l’ont fait, avec leurs dessins, leurs articles, sans armes, sans violences, sans haineS.
Parce que la haine n’appelle que la haine.
Ils ont tué l’enfance de la République, l’enfance de la Démocratie, ce moment où l’on croit que tout est possible, que tout est acquis et que l’on est invincible. Il faudrait passer à l’âge adulte, ce moment où l’on sait que l’on est responsable de ce que l’on est, de ce que l’on fait d’une société où, jusqu’à preuve du contraire et même si nous ne sommes pas toujours d’accord entre nous, nous évoluons et vivons ensemble…