Et si les rédacteurs indépendants se mettaient enfin à compter ?
C’est un fait, nous sommes sans doute, pour la plupart, plus littéraires que comptables. Moi-même, je reçois régulièrement des mails demandant des conseils pour facturer tel ou tel travail de rédaction. Alors plutôt que de répondre à chacun, il me semble plus rapide de le faire ici. Et c’est bien connu, le temps c’est de l’argent…
Rédaction web : proposez le juste prix pour durer
Parlons peu, mais parlons bien. J’ai déjà expliqué, ici même, les raisons pour lesquelles la rédaction web devait être considérée comme un « véritable » travail et donc exigeait une vraie rémunération (et non une aumône). J’ai également déjà écrit ce que je pensais des plateformes rédactions et je n’ai pas changé d’avis après plus de 5 ans en freelance.
Ceci posé, il me reste à faire la comptable pour tenter d’aider, si je le peux, les futurs ou les déjà rédacteurs web qui viennent ici à la recherche des « tarifs de rédaction web ».
Parce ce que, que vous désiriez changer de métier, vous lancer dans cette for-mi-dable aventure de l’entrepreneuriat (merci, monsieur Macron) ou simplement commencer dans la vie active, peu importe. Tout ce que vous devez retenir, c’est que le niveau de rémunération que vous allez exiger, ou accepter, au début de votre activité, conditionnera la pérennité de cette dernière.
Je répète rapidement pour les deux ou trois dissipés du fond : vos tarifs détermineront la durée de votre petite entreprise.
Quand tout n’est qu’une histoire de seuil de rentabilité
Ou comment enfoncer une porte ouverte puisque cet adage est valable pour toutes les activités marchandes et tous les métiers.
Vous viendrait-il à l’idée de payer la saucisse de votre boucher sous son prix de revient sous prétexte qu’il débute ? Pourriez-vous, sans rougir, payer la baby-sitter moins cher que ce que lui coûtent ses frais de déplacement ? Et au final, accepteriez-vous d’être embauché en CDD ou en CDI bien en dessous du taux horaire minimum légal ?
Première nouvelle : si vous répondez oui à l’une de ces questions, vous êtes murs pour pondre des textes à moins de 12 cts le mot et vous pouvez laissez tomber la lecture du mien pour vous mettre au travail.
Deuxième nouvelle : si vous avez répondu non aux trois questions, vous n’allez certainement pas accepter de gagner moins qu’un paysan chinois sous prétexte que vous êtes rédacteur freelance.
Et maintenant, place au calcul !
Prix de la rédaction : de l’importance de penser travail
(Où il est question de bonbons…)
La première erreur que font certains rédacteurs web indépendants et débutants est de réfléchir en terme de travaux et non de travail. Un travail se paye, des travaux se facturent. Et si vous ne voyez pas la différence entre les deux, essayez de songer à ce qui sépare le paquet de bonbons du bonbon vendu en vrac. Si ce dernier a une valeur relative et réelle moindre que le bonbon présent dans le paquet, c’est parce qu’il n’existe plus de coût d’emballage (donc moins de charges). C’est pourtant le même bonbon. Votre travail c’est le paquet de bonbons, vos travaux (réalisations) vos bonbons. Et si vous ne facturez que des bonbons en vrac à vos clients sans songer à faire payer l’emballage (vos charges), vos clients seront sans doute très heureux de vos sucreries mais l’activité de rédaction web ne deviendra jamais un travail pour vous.
Plusieurs éléments doivent donc entrer en ligne de compte lorsque vous calculez vos tarifs. Des charges et des frais qui ne viennent pas forcément à l’esprit de gens habitués à parler en termes de nombres de caractères ou de mots. Il s’agit de :
- Ces moments où vous ne travaillerez pas : c’est-à-dire les moments que vous ne pourrez pas facturer. S’il peut vous paraître étrange de penser en premier à des moments de « vacances », tous les freelances savent qu’une toute petite partie de ce qu’ils font va pouvoir être portée en clair sur une facture. Tout simplement parce qu’aucun client n’acceptera de vous payer vos moments de veille personnelle, formation, prospection, contacts, travaux administratifs… pourtant indispensables pour un travail sérieux.
- Ces charges auxquelles vous devez faire face : Cipav pour les micro-entrepreneurs (25,10 % moins si vous bénéficiez de l’Accre), de la taxe de formation professionnelle et de la CFE. Mais également vos frais professionnels : les achats de logiciels (au minimum un bon correcteur), les déplacements éventuels vers les clients ou les salons pros, la réalisation d’un site pro, le matériel, l’électricité, le manger du chat…
- Vos charges de prévoyances : retraite (parce qu’il vaut mieux éviter de compter sur le RSI), maladie (pour la même raison), vacances parce que vous y avez droit (si, si !)
- Votre petit bénéfice de fin d’année : parce que si travailler pour vivre et manger c’est bien, travailler pour réaliser quelque chose c’est mieux. Et pour réaliser quelque chose, il faut avoir la possibilité de développer votre entreprise (sans forcément courir après une licorne d’ailleurs). C’est à cela que sert le bénéfice en permettant d’investir. Mais vous pouvez aussi mettre votre bénéfice de côté pour vous plus tard, pour un voyage ou le vétérinaire pour le chat…
- Votre précarité (eh oui !) : vous êtes entièrement à la disposition des clients et de leurs commandes. Ce qui signifie que vous allez connaître l’attente (non rémunéré) entre deux travaux, les clients qui du jour au lendemain n’ont plus besoin de vos services, et cela sans indemnités chômages ni indemnités de licenciement.
Tous ces frais doivent être calculés et intégrés à ce que vous facturerez à vos clients. Ce qui peut-être très difficile, surtout en début d’activité. D’où l’importance de vous faire conseiller. Pour les chômeurs, le gouvernement a annoncé la mise en place de conseillers « spéciaux » à pôle emploi. Je reste dubitative… cela me semble plus faire partie d’un plan de communication ultralibérale auquel. Un comptable professionnel est, me semble-t-il beaucoup plus approprié… un comptable qui sera en mesure de penser à ce que j’ai moi-même oublié ci-dessus.
Dernière chose : sachez que vous ne pourrez que difficilement rattraper une politique tarifaire trop basse. Parce que lorsque vous en êtes à ce stade, les clients ne vous emploient pas seulement pour votre formidable plume et votre talent à retenir le lecteur, ce dont je ne doute pas… mais surtout parce que vous leur fournissez un travail « à pas cher ».