Et si Carla Bruni avait de « bonnes » raisons de ne pas être « féministe » ?
Chère Carla Bruni
Je me permets de vous écrire (avez-vous remarqué que je n’ai pas ajouté le # qui en ce moment précède souvent votre nom ?) parce que je pense être féministe.
Et c’est pour cette raison que je vous soutiens. Non pas de tout mon cœur, mais un peu quand même… Mais, qu’avez-vous dit pauvre malheureuse pour être ainsi sacrifié sur l’autel du dieu communication par un petit jésus rebaptisé pour l’occasion Twitter ? Que je vous cite « votre génération (dont je suis) n’a pas besoin de féminisme ». C’était maladroit, vous l’avez reconnu, et rectifié votre phrase… Mais, cela n’a pas suffi et les tweets continuent de pleuvoir sur le réseau social.
Je vous l’ai dit, je pense être féministe (je ne suis plus certaine de rien) et pourtant je n’ai eu nulle envie de prendre part à cette déferlante. A quoi bon ?
Votre génération (la mienne donc) a bénéficié de nombreuses avancées (droit de vote, contraception bien sûre, avortement…) gagnées souvent de haute lutte par des féministes engagées et même enragées (hommage à elles !). Malgré ce que vous pensez, il y a encore des combats à mener (ou à mener de nouveau pour certains droits mis à mal). Mais à mon avis, ceux-ci passent largement au-dessus de votre jolie tête de bourgeoise…
Et, en lisant votre phrase, j’ai repensé au nombre de fois, ou dans ma petite vie, j’ai croisé des femmes qui m’ont affirmé qu’elles n’étaient pas féministes « Ah non, surtout pas ! ».Comme si s’avouer féministe était une tare. Comme si « féminisme » était devenu un gros mot. Comme si le féminisme était un.
Ces femmes ont la même réflexion que vous et pourtant elles sont loin d’être des bourges. Parce qu’après tout, en y réfléchissant bien, votre petite phrase ne renvoie peut-être sur la scène que votre petit égoisme de nantie… Que peut en effet vous apporter le féminisme que vous n’avez pas déjà ? La carrière pour vous n’est pas (plus ?) un problème pour vivre (convenablement). Votre famille semble unie et même en cas de séparation, vous n’aurez certainement pas à subir les petits contrats, la discrimination en tant que femme seule, la course à la place en crèche ou en garderie, la recherche de logement… Votre suivi gynécologique est sans doute parfait, vous n’avez pas à subir le manque avéré de gynécologues dans certaines régions. Pas besoin non plus de courir à droite ou à gauche pour obtenir un stérilet ou une IVG. Et votre fille (permettez-moi de parler d’elle) sera sans doute élevée dans la même vision avec les mêmes facilités (l’histoire de la cuillère en argent vous connaissez ?).
Alors finalement, votre phrase maladroite, parce que généralisant votre cas à d’autres, était explicable. Certes, peut-être pas excusable, mais explicable. C’est un fait, vous n’avez pas besoin du féminisme. Mais les autres ? Ces femmes, mes amies, ma génération ? Ces employées de commerce, ces ouvrières, ces techniciennes ? Pourquoi alors qu’elles ne sont ni bourgeoises ni (dans l’ensemble) soumises à un mari, semblent-elles mépriser le féminisme ? C’est sans doute cette question que votre phrase maladroite aurait dû mettre en lumière.
C’est ce qu’elle n’a pas fait…
Personne sur ce hashtag n’a mesuré le gouffre entre les associations féministes, les activistes, les femmes ayant le temps et l’éducation pour être sur twitter, les jeunes élevées au biberon du réseau social et les autres. Celles pour qui le 2 sur un formulaire de sécu ne donne pas l’impression de ségrégation. Celles pour qui le mauvais graphisme du clitoris (alors que l’idée était bonne au départ) n’a pas changé fondamentalement la vie. Celles pour qui être appelée mademoiselle même à 40 ans n’est pas un camouflet. Celles qui ne sont « surtout pas féministes » parce qu’elles ne se reconnaissent pas dans un féminisme qui semble (pour elles) livrer combat contre les hommes ou qui paradent seins nus pour mieux interpeller… Alors oui, pour d’autres raisons que vous, ces femmes pensent aussi qu’elles n’ont pas (ou plus ?) besoin du féminisme.
Et elles, malheureusement, les gazouillements les atteignent difficilement.
Comme disait l’autre, sans qu’il ne l’ait réellement dit (je vous parle de Voltaire bien entendu) : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire »… Et que l’on y réfléchisse ensuite…
Cordialement
Et sinon, sans transition aucune (quoique !), l’Est de la France (tout comme l’UMP) attend Saint Nicolas… Va-t-on pour l’occasion relooker le petit oiseau en père fouettard ?