Dans le petit matin, nous nous pressons sur la marina de Saint-François. Certains jouent du coude pour être sûrs d’accéder au Graal : le pont supérieur. Nous partons pour une journée « aux îles ». La mer est d’huile, le temps, chiffon, semble toutefois nous promettre un grain durant ce voyage qui va durer près de deux heures.
Une fois la terre laissée au loin, le roulis fait peu à peu son œuvre. La centaine de passagers finit par se diviser en deux groupes bien distincts. Le premier regardant de biais (sans doute pour ne pas se faire voir) et avec un peu de condescendance (je l’avoue), les seconds qui, têtes penchées sur les sacs plastiques, tentent de réprimer leurs haut-le-coeur.
Il y a toujours une certaine jubilation à redécouvrir que l’on a le pied marin…
Il nous faudra presque une heure pour atteindre Marie-Galante qui sera pour nous un simple arrêt. Une heure durant laquelle résonnera dans ma tête la chanson des complices Souchon et Voulzy, me faisant songer que nous avons malheureusement bien les références de notre âge. Puis presque une heure encore pour rejoindre l’enclave bretonne des Antilles : l’archipel des Saintes. Nous voici à Terre-de-Haut, dans l’une des plus belles baies du monde. Le bateau vomit sa charge journalière de touristes qui se précipitent au cœur des ruelles pour louer un scooter ou une voiture électrique. Quelques courageux ou retardataires (puisque les autorités ont restreint, à raison, le nombre de scooters) se contenteront de leurs pieds pour visiter ce (petit) paradis.
Les Saintes sont en effet un territoire magique de par ses couleurs : bleu émeraude de la mer, vert pâle de la végétation et jaune-orangé et rouge des toits de tôle. Comme tous, nous découvrirons le plus haut point de l’ile : le morne du chameau, qui nous donnera vue sur la baie et ses bateaux. Et comme tous, nous découvrirons le fort Napoléon. Ce fort qui ne servit jamais en tant que fort défensif et qui ne passerait pas le tamis de la Cour des comptes s’il était construit aujourd’hui. Longtemps utilisé comme pénitencier il ne connut en effet aucun coup de canon puisque bâtit après la fin du conflit Franco-Anglais. Selon nos hôtes, l’intérieur et le petit musée qu’il contient n’ayant que peu d’intérêts, nous nous contenterons de faire le chemin de ronde (légèrement dangereux) et d’admirer la vue à 360° sur les iles des Saintes.
En repartant, 4 greluches filles dans une voiture électrique s’appliqueront à nous démontrer que la conduite sur route étroite et les cris de pintades sont indissociables pour une certaine partie de la population.
Après avoir ingurgité mangé un Agoulou, espèce d’hamburger composé de pain fourré de bœuf, saucisse, œuf, salade, tomates et emmental, proche de ce que ma grand-mère appelait étouffe-chrétien, la chaleur des Saintes semble encore plus difficile à supporter. C’est l’heure de la sieste et de la baignade. L’occasion également de constater que les jeunes Saintois font passer le temps à coup de rhum quand en métropole on lui préfère les prémix.
Le rhum est en effet présent partout et à toute heure en Guadeloupe et même dés les petits matins dans les bars sous la forme du « décollage » (le verre de rhum pris à jeun). C’est donc en rêvant d’un ti-punch désaltérant que nous reprendrons le bateau de 15h30 pour regagner Saint-François en plein cagnard (rappelez-vous le Graal du pont supérieur)…